Poemas por Irène Gayraud*
Traducción por Macarena Urzúa y la autora
Crédito de la foto (izq.) Mihai Tranca /
(der.) Ed. Al Manar
5 poemas de Téphra (2019),
de Irène Gayraud
1
El lugar está en las afueras de la ciudad. Ahí donde las zonas periféricas tienen el color de los árboles. Donde entre las hojas, los cristales y el cemento se abren paso múltiples umbrales.
Los seres que ahí viven están a cargo de las piedras y del tiempo. De su lengua incontable se desprenden fisuras, fallas, magma. De inmediato su ruido de brasa.
Se puede, al abrir su mano, encontrar en su hueco pequeños bloques volcánicos ásperos, transparentes algunas veces y olvidados desde hace mucho tiempo.
Habrá, allá, puede ser, un pasado.
Al comienzo era el magma.
No tenía aún ese nombre balbuceado
de garganta de niño llamando a su madre.
Nadie iba aún a la deriva
buscando aberturas
Ninguna palabra quebraba
el aire vacío, el viento desnudo.
Rojo, atravesaba
enigma de materia montándose en la materia
antes del tiempo y ya en el tiempo.
Antes de ese tiempo en que
con mis rodillas magulladas clavadas en las rocas
yo llamaba en vano
en vano y sin saber su nombre
a la piedra en fusión y al fuego.
4
Desde su primer día en el lugar, los hombres han visto el tiempo pasar de las rocas
por sus manos.
Ausentes a veces, escuchan la voz de basalto de las estatuas, en las islas vocálicas y lejanas.
Es este el principio de largos recorridos por tierras que jamás se erosionan. Los cortes dejados en los valles del volcán dibujan, trazo a trazo, lo inverso de errar.
Recuerdo a una vida pasada
donde mi paso rozaba el flanco de los volcanes
sus suelos petrificados de frío
como grandes campos negros cultivados por la noche
o reverdecidos por hierbas dulces, por musgos
en los puntos en que el calor habita aún.
Dormir en el suelo cubierto de rocas
cartografiaba mi piel de trazas marcadas
de senderos.
Yo avanzaba, no sabiendo
que mientras más se hunde en el valle
más se hunde en el tiempo.
Mis manos hacían una provisión de piedras
escuchando
los basaltos informes, cortantes
pero resguardando ya las siluetas esculpidas
de contornos alisados.
7
En la lengua del lugar, una misma palabra designa a una piedra molida y a un libro de párrafos mezclados. Cada mañana sin reposo los hombres ordenan el polvo.
En las tuberías del bosque de vidrio el polvo negro se desplaza, de un gesto a otro se separa. Está la parte ilegible que se cae, y la parte menos densa que permanece. Esa lleva en ella, solidificadas, las trazas antiguas de la erupción.
En mi caída pierdo
algunos cristales
los dejo hundirse
bajo mi cuerpo en las grietas
descuidada
de su pesadez de la mía.
Mi boca sobre las lavas
empujada por el aire que remolinea
come los últimos granos con gusto a roca masticada
devora en la búsqueda
del tiempo de los diapiros
de su sabor.
8
En el centro de un círculo minúsculo, justo en la luz, los hombres depositan el polvo de roca.
Por mínimos roces, mínimos empujones, ellos acompañan el retorno a la infancia de la piedra, recuerdan a sus entrañas juguetonas y coloridas
Entonces cada grano bajo el haz se anima, deviene vitral estallante de colores.
No me levanté
La piedra se incrusta en mi
y yo me inserto en la piedra
me fundo piel a piel con el suelo.
Mis dedos dulcemente guían
mi ojo hacia del centro del cristal
en medio de parpadeos de resplandores.
Mientras cruza misturas abigarradas
colores locos
rojos y justo después azules
en el silencio tornándose amarillos jaspeados índigos
se desvelan
los hilos multicolores del manto terrestre.
16
Algunos días la nostalgia baja sobre el lugar, empañados los ojos de los hombres.
Entonces ellos sacan de los armarios grandes estalagmitas, cuentan en ellas los trazos
del tiempo cavado y lento de las grutas.
Algunos se encierran en una sala encuevada donde crean la humedad y el frío. Y ellos
se sujetan allí, para recitarse los ríos subterráneos que infiltran al subsuelo y lo corrompen, para vigilar el brote,
milímetro tras milímetro, de las estalagmitas.
Pausando en el frescor de la caverna
dejo deslizar
cada perla de sudor
teñida
a lo largo mío hacia mis tobillos
en el barro arenoso.
Fusionada de agua y de piedras
crece
la vida
gota a gota.
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(poemas en su idioma original, francés)
5 poèmes de Téphra (2019),
du Irène Gayraud
1
Le lieu est hors de la cité. Là où les zones
périphériques ont la couleur des arbres. Où
parmi les feuilles, les vitres e le béton
s’ouvrent des seuils multiples.
Les êtres qui y vivent ont charge des pierres
et du temps. De leur langue irracontable se
détachent fissures, failles, magma. Dés l’abord
leur bruit de braise.
On peut, en ouvrant sa main, trouver au
creux de petits blocs volcaniques âpres,
transparents parfois et oubliés depuis long-
temps.
Il y aurait là, peut-être, un passé.
Au commencement était le magma.
Il n’avait pas encore ce nom balbutié
de gorge d’enfant demandant sa mère.
Personne encore n’allait à la dérive
cherchant des embrasures.
Aucune parole ne brisait
l’air vide, le vent nu.
Rouge, il traversait
énigme de matière montant dans la matière
avant le temps et déjà dans les temps.
Avant ce temps que
les genoux meurtris enfoncés dans les roches
je n’apelle en vain
en vain et sans savoir leur nom
après la pierre en fusion et le feu.
4
Depuis leur premier jour dans le lieu, les
hommes ont vu le temps passer des roches
à leurs mains.
Absentés parfois, ils écoutent la voix
de basalte des statues, dans des îles vocaliques
et lointaines.
C’est l’amorce de longs arpentages par des
terres qui jamais ne s’arasent. Les entailles
laissées dans les vallées du volcan dessinent,
trace à trace, l’inverse d’une errance.
Je me rappelle une vie passée
où mon pas frôlait le flanc des volcans
leurs sols pétrifiés de froid
tels de grands champs noirs cultivés par la nuit
ou reverdis d’herbes douces, de mousses
aux points que la chaleur habite encore.
Le sommeil à même le sol drapé de roches
cartographiait ma peu de traces creuses
de sentes.
J’avançais, ne sachant
que plus on s’enfonce dans la vallée
plus on s’enfonce dans le temps.
Mes mains faisaient provision de pierres
à l’écoute
des basaltes informes, coupants
mais abritant déjà des silhouettes sculptées
leurs contours lisses.
7
Dans la langue du lieu, un même mot
désigne la pierre broyée et le livre aux
paragraphes mélangés. Chaque matin sans
relâche les hommes ordonnent la poussière.
Dans les tubulures de la foret de verre la
poudre noire glisse, d’un geste à l’autre se
sépare. Il y a la part illisible qui tombe, et
la part moins dense qui demeure. Elle porte
en elle, solidifiées, les traces anciennes de
l’éruption.
Dans ma chute je perds
quelques cristaux
les laisse s’enfoncer
sous mon corps dans les crevasses
oublieuse
de leur pesanteur la mienne.
Ma bouche sur les laves
plaquée par l’air qui tournoie
mange les derniers grains au gout de roche mâchée
avale à la recherche
du temps des diapirs
de sa saveur.
8
Au centre d’un cercle minuscule, juste sous
la lumière, les hommes déposent la poudre
de roche. Par d’infimes caresses, d’infimes
poussées, ils accompagnent le retour vers
l’enfance de la pierre, rappellent ses entrail-
les joueuses et bariolées.
Chaque grain alors sous le faisceau s’anime,
devient vitrail tout fusé de couleurs.
Je ne me suis pas relevée.
La pierre s’incruste en moi
et je m’insère dans la pierre
m’infuse peau à peau dans le sol.
Mes doigts doucement guident
mon œil au cœur du cristal
à travers clignotements éclats.
Sa traversée des bigarrures
des teintes folles
rouges et l’instant d’après bleues
virant dans le silence jaspées jaunes indigos
dévoile
les fils multicolores du manteau terrestre.
16
Certain jours la nostalgie descend sur le
lieu, embue les yeux des hommes.
Alors ils tirent des armoires de grands
spéléothèmes, comptent en eux les traces
du temps creusé et ralenti des grottes.
Quelques-uns s’enferment dans une pièce
calfeutrée où ils créent de l´humide et du
froid. Et ils se tiennent là, à se réciter les
rivières infiltrant le sous-sol, le rongeant ; à
surveiller la pousse, millimètre après milli-
mètre, des stalactites.
À la halte dans la fraicheur de l’antre
je laisse glisser
chaque perle de sueur
teintée
le long de mon dos vers mes chevilles
dans l’argile sableuse.
La vie mêlée de l’eau et des pierres
croît
goutte à goutte.
*(Francia, 1984). Poeta, escritora, traductora y académica. Forma parte del grupo de traducción creativa Outranpo (Ouvroir de translation potencial). Colabora a menudo con compositores de música contemporánea. Desde 2018 enseña literatura comparada como Maîtresse de Conférences en Sorbonne Université (Francia). Ha publicado en poesía à distance de souffle, l’air (2014), Voltes (2016), Point d’eau (2017) y Téphra (2019); en novela, Le livre des incompris (2019); ha traducido al francés la poesía de Dino Campana (en colaboración con Christophe Mileschi); y en ensayo Chants orphiques européens. Valéry, Rilke, Trakl, Apollinaire, Campana et Goll (2019), y artículos sobre literatura, poesía, los vínculos entre literatura y música.